Carsten, de manière générale, comment utiliser les solutions de gestion des données numériques telles que FORUM pour façonner les marchés ?

Carsten Albrecht :Chez ZEISS, nous pouvons promouvoir et établir comme étant la norme le fait que les données brutes des examens oculaires soient stockées de manière centralisée et que la « numérisation » ne signifie pas simplement le stockage de rapports PDF des examens dans le système de dossiers médicaux électroniques (HER/EMR). L’avantage pour les clients est que l’analyse de la progression est effectuée de manière dynamique, et dès que ZEISS dispose de nouveaux algorithmes améliorés, les clients peuvent les utiliser et y inclure l’historique du patient. Nous disposons d’une excellente base de travail pour cela, car nous avons ouvert la voie avec le logiciel ZEISS FORUM, qui a entre temps su faire ses preuves sur de nombreux marchés. Avec plus de 8 000 installations dans environ 100 pays, nous avons la plus large base installée dans ce domaine. Mais la concurrence a rattrapé son retard : Topcon propose désormais une solution complète de gestion des données stockées sur le cloud, appelée Topcon Harmony, parallèlement à son produit basé sur serveur, ImageNet, ce qui se reflète dans les chiffres de vente de logiciels de Topcon. Les fournisseurs de systèmes de dossiers médicaux électroniques (EHR/EMR) ont également élargi leur offre : beaucoup d’entre eux ont recours à la norme DICOM (Digital Imaging and Communications in Medicine) et proposent des intégrations de dispositifs élargies. Chez ZEISS, nous avons l’occasion de tirer profit de la large gamme de notre portefeuille. Lorsqu’il s’agit de surveiller les maladies oculaires chroniques (glaucome et DMLA) et faire le lien numériquement du diagnostic à la chirurgie (chirurgie de la cataracte et de la cornée), ZEISS est le seul fabricant d’appareils en ophtalmologie capable de proposer des solutions de numérisation pour les flux de travail cliniques respectifs. Ainsi nous sommes en mesure de convaincre les clients de notre solution.

Quels types de différences locales trouve-t-on dans le domaine des solutions numériques ? Quelle en est votre expérience ?

Carsten Albrecht : Les différences régionales potentielles dépendent du degré d’ancrage de la numérisation dans le système de santé et de la structure de ce système. Comparons le marché des États-Unis à celui de la Chine et de l’Europe. Les États-Unis sont un marché où le degré de spécialisation est très élevé et où l’accent est mis sur l’optimisation de l’efficacité de chacun, et donc de l’ensemble de la chaîne de création de valeur. La collaboration et le réseautage entre les partenaires sont donc extrêmement importants. Il est donc essentiel de ne pas perdre l’efficacité acquise grâce à ces liens. Les États-Unis ont également commencé très tôt à se tourner vers la numérisation, et ils voient donc la valeur des solutions logicielles, qui apportent une efficacité augmentée. Par exemple, si une solution logicielle peut faire gagner une minute par visite de patient, et ainsi permettre une consultation supplémentaire tous les jours, il existe une volonté correspondante d’investir de l’argent dans une telle solution.

Cependant, cela se traduit aussi par des attentes très élevées de la part des clients : par exemple, un logiciel qui prend plus de temps à charger qu’un logiciel de produit de consommation ne trouvera aucune acceptation ou tolérance à son égard. En Chine, en revanche, la motivation est très faible quand il s’agit de payer « juste » pour un logiciel. Nos collègues en Chine ont donc décidé de commercialiser massivement notre solution FORUM Office PC (PC serveur avec logiciel FORUM pré-installé). Cette approche a connu un succès retentissant. L’équipe chinoise est derrière les quantités les plus importantes pour la solution FORUM Office et a ainsi développé une forte activité commerciale FORUM. La situation en Europe est très hétérogène, et elle dépend beaucoup du marché local. Le marché du Royaume-Uni et les marchés scandinaves, par exemple, sont fortement marqués par le segment de l’optométrie, tandis que l’Espagne et les Pays-Bas ont un secteur clinique et hospitalier très fort, et que l’Allemagne, malgré toutes les consolidations en cours, compte encore un très grand nombre de cabinets indépendants.

Les solutions sur le cloud à venir nous rendront-elles moins dépendants des différences locales ?

Carsten Albrecht : Cette affirmation me semble un peu trop draconienne. Notre solution sur le cloud offre aux clients une valeur ajoutée car la seule chose qu’ils doivent faire est de se connecter à Internet. Le reste, comme l’exploitation de l’infrastructure du serveur et le fonctionnement du logiciel, est géré par nous-mêmes. La solution sur le cloud offre d’autres avantages. Elle permet d’échanger facilement des données entre les différents professionnels de la santé pour le traitement des patients, par exemple, ou pour recueillir l’avis d’un spécialiste. Elle permet également d’accéder aux données à tout instant et depuis presque n’importe où. Les solutions sur le cloud détiennent aussi le potentiel à venir de relier et d’utiliser les algorithmes de différents fournisseurs et de comparer vos propres données avec celles de tiers (de manière anonyme). Mais les opérations sur le cloud sont également soumises à des exigences en matière de sécurité des données, d’autorisation d’accès et de confidentialité. Nombre de ces exigences sont régies par des dispositions juridiques locales qui peuvent varier considérablement. Et même dans des régions harmonisées telle que l’Union européenne, les différents États membres ont pris des dispositions supplémentaires auxquelles nous devons, en tant qu’entreprise, nous conformer. En Europe, par exemple, la France est le pays qui a les exigences les plus sévères en matière de protection des données. Cela nous obligera sans doute à avoir un serveur pour le cloud en France. Nous devons également tenir compte des dispositions et des lois relatives au traitement des données sur la santé dans chaque pays. Celles-ci diffèrent énormément d’une région à une autre. Par exemple, le simple stockage de données des examens médicaux n’est pas considéré comme un produit médical aux États-Unis, mais il pourrait l’être dans d’autres pays.

Carsten, merci infiniment pour cette conversation éclairante.